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26 juin 2021

Pote cast' du Bibou c'est... Sauveur Carlus

 

[POTE CAST'] Coucou Les Loulous, aujourd’hui je vous emmène à la découverte de Sauveur Carlus. 


Sauveur, passons aux choses sérieuses ! Nous avons tous pu découvrir une brève biographie de vous sur la page de la librairie libellule et au salon Beaupuy se livre, mais je souhaite en savoir plus !


***Quelle est votre bibliographie ?

Comme je suis graphiste – illustrateur, mais que j’écris et compose aussi, mon parcours a pris des formes diverses. Donc je ne peux répondre à cette question de façon si ordonnée… J’ai écrit des romans. Mais ils n’ont jamais été édités. J’ai cependant réussi à signer le scénario d’un court métrage. Mais il y a fort longtemps. J’ai aussi travaillé sur l’adaptation BD d’un polar. Mais ce projet a été avorté sur les dernières marches de sa réalisation. J’ai cependant appris de tous ces accidents que nous avons finalement la vie qui nous ressemble. Je suis fait de mille facettes. Mon travail se traduit donc par mille formes. J’écris depuis quelque temps des textes courts, des nouvelles ou des contes, notamment pour des municipalités. En février, un conte que j’ai écrit pour Puteaux, et bien évidemment illustré, je l’ai mis en scène par une déambulation géante à travers les rues de la ville en créant tout un parcours, en customisant des lieux. Une manière de vivre l’histoire grandeur nature, de plonger les passants dans un voyage… Il y a deux ans, j’avais également exposé sur les murs de la mairie de Beaupuy en créant des correspondances entre certains de mes dessins et des extraits de mes chansons. J’aime cette idée de faire descendre l’art dans la rue, de raconter des choses, de dérouler tout un univers et de rendre tout ceci accessible. Je n’ai pas été édité de façon classique mais aujourd’hui j’ai donc trouvé d’autres voies. Et finalement tout ceci me correspond bien. J’aime concevoir une œuvre comme un événement. De mes diverses expositions, de ces déambulations citadines, j’en réalise bien sûr le plus souvent des ouvrages ; et eux aussi sont forcément protéiformes. Je pense notamment à celui de mon exposition Vive le vent, que j’ai conçu comme un livre - disque, puisque j’avais intégré à la scénographie de mon exposition un espace afin de donner un concert de mes chansons. Des chansons, j’en écris depuis toujours. J’ai alors commencé depuis quelques années à les partager. Par des concerts, donc, mais aussi par des vidéos que je réalise, pour les illustrer, et que je poste sur le net, souvent en dessin animé d’ailleurs, en tout cas en convoquant toujours d’une manière ou d’une autre mon travail graphique. Mais si vous voulez aussi voir de façon physique dans le commerce mon travail, je vous invite à aller voir du côté des éditeurs de jeux, car je designe aussi beaucoup de choses dans ce domaine, ou des éditeurs de cartes. Sort dans quelques jours par exemple une collection de cartes de correspondance sur le thème d’un Paris romantique que j’ai eu le bonheur de dessiner pour Zazous éditions…


***Quel genre de personne êtes-vous dans la vie ? J’espère pouvoir naître avant ma mort. Cette étrange situation a au moins cela de bon qu’elle entretient un espoir quasi enfantin. Tout m’émerveille. Mais je suis aussi très lucide…


***Quel auteur êtes-vous ?

Qui tranche. Si je pouvais réduire toute phrase à un mot, toute image à un trait… C’est la musique qui me permet d’assouvir cette recherche absolue car je n’écris rien si je n’ai pas la conviction d’avoir d’abord saisi l’accord parfait, essentiel, aussi primal et nécessaire à la vie qu’est le cri… Si je ne devais garder qu’une chose, ce serait sans aucun doute la musique. L’écriture de chansons m’a aidé à vivre jusqu’ici. J’aime ce format serré, concentré, car il est de ce fait exigeant. Plus étroit est le cadre, plus de mise est la rigueur. Et il est étonnant de voir combien il est possible d’accéder ainsi à la liberté…


***Pourquoi écrivez-vous ? Qu’est-ce qui vous a motivé à le faire ?

Mais je crée pour me sentir vivant ! Tout simplement. C’est une motivation suffisante… Chaque fois que je crée, j’ai l’impression de repousser comme par un cri la grande faucheuse.


***Et quel genre écrivez-vous ? Pourquoi avoir choisi ce genre plutôt qu’un autre ?

Ce qui semble relier mon écriture à mon graphisme, c’est simplement ma manière d’être et d’aborder la vie. Et je crois que celle-ci peut se résumer par le mot Poésie. La poésie, pour moi, est un rapport laborieux que l’on entretient avec le monde. Quand j’écris, quand je dessine, il me semble que je sculpte, que je couds… La poésie, c’est aussi entrevoir combien le monde dans son chaos a du sens. Je cite souvent cette phrase que Mary Shelley écrit dans sa préface de Frankenstein : « La capacité à inventer, il faut modestement le reconnaître, ne consiste pas à créer à partir de rien, mais à partir du chaos. ».


***Comment vous vient l’inspiration ?

L’inspiration est une chimère. Pardonnez-moi de briser cette icône. Il n’y a d’inspiration que la faculté de vivre. Et qu’est-ce que vivre ? Si ce n’est de savoir farouchement ce qu’est le manque… J’ai manqué de tout. J’ai perdu de nombreux êtres chers. Je me sens parfois bien prisonnier dans ce monde qui nous berce de l’illusion de liberté. Et c’est exactement tout cet amas parfois bien lourd qui me donne cet élan de création. Créer pour combler un manque, incarner une absence, ouvrir une fenêtre… J’ai aujourd’hui appris à aimer mes souffrances. Elles m’ont donné cette force de créer.


***Comment choisissez-vous le titre de vos créations ?

C’est le sens des choses qui nous guide, il me semble. Mais pour y être sensible, il faut être vivant. J’en reviens toujours à cette idée, pardonnez-moi… La vie.


***Quel est ou quels sont les buts de vos créations ?

Aucun. Je ne revendique rien. Je n’ai l’ambition d’aucun message. J’essaie simplement de me donner des moyens d’accéder à ce qui me semble le beau, comme on embarquerait pour Cythère. Faire de ma vie un voyage. Si je parviens alors à embarquer dans mon frêle esquif quelques personnes, si mes petites émotions résonnent dans le cœur de quelques personnes, si nous pouvons ainsi nous unir, alors j’en serai heureux. Mais rien d’autre.


***Qu’est-ce qui vous fascine le plus dans l’écriture ?

L’écriture pour moi est donc un tout. Dessiner, composer… sont autant de formes qui viennent compléter l’écriture même. Tout comme l’écriture peut être une autre manière de dessiner, de composer… Écrire, c’est créer. Ceci étant dit, ce qui me fascine donc dans cet acte, eh bien c’est justement son pouvoir magique. Pouvoir grâce à lui tout transcender. La vie pourrait être un océan de boue. Nous acceptons plus aisément cette idée si l’on considère qu’il faut bien un océan de boue pour engendrer une pépite. Et il n’y a que la création pour permettre parfois ce miracle. Baudelaire a su faire jaillir des fleurs de la fange. Tout est dit à ce sujet dans Les fleurs du mal.


***À quels publics sont destinées vos créations ?

Mais il n’y a pas de public. Il y a un tout, et ce tout est l’humanité. La notion de public a été inventée par la société de consommation. La culture n’est certes pas un produit, et c’est la raison pour laquelle je vomis (pardonnez-moi ce mot) toute création formatée. Et cela concerne un bien grand nombre… La littérature dite enfantine et actuelle est un secteur très touché par ce phénomène. C’est effrayant. Enfant, j’étais fasciné par la penderie dans laquelle la Barbe-Bleue cachait toutes ses femmes égorgées. Et j’ai très tôt lu Madame Bovary de Gustave Flaubert. J’ai tout de suite aimé du haut de mes treize ou quatorze ans cette femme et cette mère soi-disant indigne… L’écriture devrait rester le souffle de la liberté sans souci de s’adresser à des personnes selon leur âge, leur condition, ou que sais-je… pire encore, selon une supposée morale. J’avais participé il y a quelque temps à un concours de dessin, dans le cadre d’un festival BD. Il y avait une catégorie enfants. Le sujet qui leur avait été soumis était le suivant : « Imaginez une nouvelle espèce sous-marine. ». Tous, je dis bien tous, avaient dessiné des poissons mutants en forme de bouteilles en plastique. Les parents applaudissaient face à la prise de conscience des plus jeunes. J’ai trouvé cela carrément triste. Prendre conscience des choses aujourd’hui équivaut à ne plus avoir de rêves, à ne plus avoir cette faculté d’exprimer un imaginaire singulier. Il faut à tout prix avoir un discours, et si possible un discours plein de bons sentiments, plein de morale. J’ai réalisé là combien les enfants se font l’écho de tout ce dont on les gave. Mais où sont les nouvelles sirènes de Peter Pan, les nouveaux Moby Dick ou Kraken ? Ce n’est pas parce que l’on rêve à des choses purement fantastiques que l’on n’accède pas un jour à une pensée… À trop bercer les enfants des mêmes discours bien-pensants, bienveillants, on les entretient plutôt dans une pensée unique. C’est-à-dire dans l’annulation même de la pensée. Je ne sais pas si nous mesurons le monde que nous sommes en train de forger…


***Quels sont les aspects humains que vous considérez comme les plus importants quand vous rencontrez votre lectorat ?

Puisque j’expose plus que je ne propose d’ouvrages, permettez-moi de poser différemment la question. : exposer votre travail et donc le confronter ainsi au monde vous permet-il de trouver encore en l’autre à cette occasion un peu d’humanité ? Exposer mon travail, d’une manière ou d’une autre, c’est envoyer un appel, voir si d’aventure quelqu’un peut m’entendre. Cela peut vous paraître des termes bien dramatiques, mais c’est ma vérité profonde. J’attends de l’autre de toute manière un message à la hauteur de ce que je mets dans l’acte de créer : vivre et aimer comme si la mort attendait à la porte. J’ai besoin de sentir une flamme dans l’œil de l’autre… Il y a deux ans, à Beaupuy, ici, justement, à l’occasion de mon expo sur les murs de la mairie, j’avais rencontré une petite fille, qui avait voulu m’interviewer pour le journal de son école. Elle était vive, pétillante, et m’avait dit écrire beaucoup, et notamment des nouvelles, pour participer à des concours. Je viens de la revoir à l’occasion de ce salon. J’étais impatient de lui demander ce qu’elle avait écrit depuis… Sa mère m’a répondu qu’elle avait tout arrêté depuis qu’on lui avait offert un portable. Et, en effet, dans son regard avait disparu cette petite flamme… Sans commentaire.


***Quel genre de lecteur êtes-vous ?

Exigeant. Pardon de cette franchise, mais je dois vous avouer que je lis très peu d’auteurs contemporains. De temps en temps, je fais une exception, et il m’arrive de tomber sur des plumes intéressantes, mais si peu face à la puissance des vertiges que me procurent les auteurs dits « classiques ». La vie est courte. Et je suffoque d’avance devant cette idée que je n’aurai pas le temps d’aborder le quart des fondamentaux littéraires. Je me suis plongé depuis un an dans la lecture d’À la recherche du temps perdu. J’ai toujours su qu’il me faudrait attendre avant de lire Proust. Je vis chacune de mes lectures comme une conquête… tout au moins un énorme cadeau. Que la vie puisse me donner encore un peu de temps pour ce chemin-là, c’est tout ce que je demande.


***Que nous conseilleriez-vous de lire ?

Nous ne conseillons que ce qui nous plaît. Donc loin de moi l’idée de rien conseiller. En revanche, si vous me posez la question de savoir ce que j’aime, alors je crois avoir déjà un peu répondu… J’ai trouvé à titre très personnel dans la littérature de la fin du XIX eme et du début du XX eme le terreau à mes propres questionnements. Les auteurs que j’ai cités, mais aussi Mauriac, Green, ou Henri Troyat que j’ai découvert il y a deux, trois ans avec un roman saisissant, Le vivier. Mais j’entretiens un amour particulier pour les auteurs britanniques, des sœurs Brontë à Daphné du Maurier. J’aime cette dernière par-dessus tout car elle a cette capacité à fouiller les profondeurs les plus sombres de l’âme humaine tout en nous apportant au final beaucoup de lumière et de paix, et sans oublier son sens du récit, qui garde le lecteur toujours en éveil. Tant de ses pages sont des vertiges… Maupassant aussi me procure ce genre d’émotions. Je suis en train de relire certaines de ses nouvelles. C’est délicieusement cruel, terriblement vrai. La paix alors qui peut jaillir parfois dans toute cette horreur n’en paraît que plus lumineuse et dense. C’est la vie. Mais je crois que le roman qui m’aura le plus marqué jusqu’ici reste L’étranger de Camus. Chaque mot de ce roman semble décortiquer notre condition humaine, encore aujourd’hui, aujourd’hui encore plus que jamais… C’est puissant. Quelle force visionnaire.


***Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre vie d’auteur ?

Le fait de comprendre que je n’écrirais jamais aussi bien. Et le jour où j’ai donc décidé de renoncer à écrire, du moins des romans.


***Enfin, si vous aviez une baguette magique qui vous permettrait de vous faire entendre du monde entier pendant 10 secondes, quel serait votre message ?

Je crois au fond que je ne dirais rien. Combattre l’absurde est une utopie. Et il y a donc bien longtemps que j’y ai renoncé. Je ne crée plus pour tenter de changer le monde, mais pour conserver simplement ma petite part d’humanité.


Merci Sauveur Carlus pour vos réponses. 

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